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samedi 12 novembre 2011

Spécial il y a 25 ans. La littérature en 1986.


Voici le dernier volet, au moins pour ce qui fait l'année 1986, de cette révision zique-ciné-litté d'il y a un quart de siècle. Aujourd'hui je vous présente ma sélection des bouquins qui ont vu le jour en 1986, toujours dans l'ordre alphabétique des titres, et qui méritent une place spéciale parce qu'ils ont gagné un prix important ou simplement pour leur qualité littéraire. 20 titres et autant d'auteurs -certains malheureusement disparus- qui sont toujours bons à découvrir et à (re)lire. En tout cas, 20 titres pour ceux qui, comme moi, trouvent idiote la question «À quoi sert la littérature?». Il n'y a qu'une seule réponse possible -avec une autre question-: «Et le plaisir de la lecture, ça vous dit quelque chose?»

Observation: Presque tous les liens renvoient, comme d'habitude, vers la Wikipédia. Si un astérisque apparaît à côté du titre ou de l'auteur, cela veut dire que l'article est pratiquement vide ou n'a pas encore été rédigé. Il est par conséquent inutile de cliquer le lien sauf pour connaître la maison d'éditions qui l'a publié en premier et éventuellement effectuer la recherche  sur le site de celle-ci. On peut également essayer sur le portail Evene.fr qui  offre souvent des renseignements introuvables ailleurs.
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L’académicien Henri Troyat -né à Moscou avant la révolution russe, de parents d’origine arménienne- est un cas qui illustre bien que les « immortels » ne sont pas nécessairement les meilleurs. Condamné pour plagiat vers la fin de sa longue vie, Troyat avait écrit en 1986 À demain, Sylvie, deuxième volet de la Trilogie Viou. Cette trilogie est l'histoire de cette fille –Sylvie, dont le sobriquet est « Viou »– à l’enfance, à l’adolescence puis à l’âge adulte.
À demain, Sylvie s'occupe donc de l'adolescence de Sylvie, de son rêve de devenir une star de la danse -malgré l'opposition de ses parents qui pensent plutôt à ses résultats scolaires- et de la découverte de l'amour avec... son beau-frère!  Il y a, dans tout cela, une odeur suspecte de «roman à l'eau de rose»...
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 En 1987, Gilles Lapouge a remporté le  Prix des Deux magots  pour son roman historique La bataille de Wagram* qui retrace la victoire de la Grande Armée française de Napoléon sur les troupes autrichiennes en 1809. Cette idée de reconstruire les batailles de Napoléon avait déjà été entreprise par Balzac et sert de point de départ à nos contemporains. À l’instar de Lapouge, Patrick Rambaud dans La bataille, une dizaine d’années après, suivra la même voie.
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 Alexandre Jardin débute sa carrière d’écrivain avec Bille en tête, un roman qui reçoit précisément le Prix du premier roman en 1986. Avec la collaboration de l’auteur, cet ouvrage sera porté à l’écran et connaîtra un succès discret, en tout cas inférieur à celui de Le zèbre (un autre roman d’Alexandre Jardin qui a également son adaptation cinématographique avec Thierry Lhermitte dans le rôle du protagoniste).
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Dans Le Cœur découvert, Michel Tremblay, l’écrivain québécois, va défendre l’homosexualité face aux préjugés de ceux qui l’entourent. Des préjugés pourtant beaucoup moins forts au Québec, et en général au Canada, qu’en France ou aux États-Unis. Je ne connais que très mal le Canada, mais l’image que j’en ai -et je pense que je ne me trompe pas trop- et celle du pays le plus tolérant du monde...En tout cas, l’homosexualité il y a 25 ans n’était pas encore perçue comme à présent, et Tremblay devait écrire ce genre de romans pour aider à faire changer les mentalités.
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 Pour les amateurs du(des) mystère(s) Patrick Modiano peut très bien fonctionner. En réunissant certains ingrédients classique du polar (cavale, disparitions, personnages plus ou moins louches et bijoux) nous trouvons Dimanches d’août. Voir une analyse complète de ce roman par ici. Manuel Poirier en fait l’adaptation au cinéma en 2001 sous le titre de Te quiero *(sic).
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 Si l’on change Nice pour Lyon –tout en conservant l’époque de la canicule– nous arrivons à L’Enfer, le roman de l'écrivain lyonnais René Belletto né en 1945 comme son collègue Modiano. Histoire d’une tentative de suicide qui finira autrement. Ce roman a été doublement récompensé en 1986 par le Prix Femina (le même prix qu’Alexandre Jardin obtiendra deux ans après pour Le zèbre) et celui du Livre Inter.
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 Bien avant la mode des écrivains qui comme Marc Levy ou Guillaume Musso sont fortement « américanisés » et placent souvent l’action de leurs romans dans ce contexte, nous trouvons le cas de Philippe Labro, qui, en 1986, avait écrit L’étudiant étranger. Cet étudiant étranger, est un jeune français de 18 ans qui, grâce à une bourse, va passer un an aux États-Unis dans une université de Virginie et profite pour découvrir ce pays qui le fascine. Le protagoniste, vous l'avez deviné, n'est autre que le propre  Philippe Labro qui nous raconte son expérience personnelle aux USA en 1954, une époque où la politique raciale de ce pays ressemblait à s'y méprendre à celle du tristement célèbre apartheid d'Afrique du Sud. Ce roman a remporté le Prix Interallié.
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La fuite à Constantinople, ou La vie du comte de Bonneval * est un roman historique de Jacques Almira * qui retrace, comme le sous-titre l’indique, la vie de ce curieux personnage, Claude Alexandre de Bonneval (1675-1747) qui finit ses jours converti à l’islam et servant l’empire ottoman sous le nom d’Humbaraci Ahmed Pacha. Ce roman a été récompensé par le Prix des libraires (décerné en 1987).
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Sans quitter le roman historique, nous trouvons également Les funérailles de la sardine * de Pierre Combescot qui en 1986 a gagné le Prix Médicis. Or, Les funérailles de la sardine* est beaucoup plus qu’un simple roman historique. Véritable mosaïque en trois parties, de la Florence de la Renaissance, au Bas-Empire romain, pour aboutir finalement à l’époque moderne. Il s’agit, en somme, d’une véritable parabole sur l’acte de l’écriture où tous les romanciers pourront se reconnaître.
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L’écrivaine Agota Kristof, suisse d’origine hongroise, et malheureusement décédée en juillet dernier,   avait entamé avec Le grand cahier, sa Trilogie des jumeaux.
Suite à la guerre qui dévaste le pays, deux frères jumeaux sont déposés par leur mère chez une grand-mère, véritable harpie habitant à la campagne qui les accueille de mauvais gré. Livrés à eux-mêmes, ils devront se débrouiller tant bien que mal et apprendront à construire leur propre univers, très particulier, puisque sans morale, dans ce « grand cahier ».
Il faut rappeler que ce livre fit l’objet d’une polémique en 2000, alors qu’un enseignant avait proposé cette lecture à ses élèves de 3ème (14-15 ans). Dénoncé par quelques parents d’élèves qui n’avaient retenu que les passages « pornographiques », l’enseignant fut placé en garde à vue au commissariat pendant 24 heures tandis que son domicile était objet de perquisition. Après les protestations qui s’ensuivirent et avec le soutien du ministre de l’Éducation nationale à l’époque, Jack Lang, l’affaire fut finalement classée sans suite.
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Un des romans qui a eu la plus large diffusion, grâce à toutes les traductions qui en ont été faites, est sans doute Léon l’Africain *, de l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf. Toujours dans la lignée du roman historique, Léon l’Africain est un passionnant récit biographique de ce diplomate du XVIème siècle, Hassan al-Wazzan (1488 -1548 ?) né à Grenade un peu avant l’entrée des Rois Catholiques. Après la conquête chrétienne de Grenade, sa famille s’enfuit vers le Maroc. Plus tard, (le parcours contraire du comte de Bonneval !) il sera capturé par des chevaliers de l’ordre de Saint-Jean et livré au pape Léon X qui, en le prenant comme fils adoptif, le fera catéchiser et baptiser avec son propre nom: Jean-Léon de Médicis, dit l’Africain.
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Conrad Detrez, écrivain belge, naturalisé français en 1982 -peu avant sa mort à cause du sida- est le seul exemple d’œuvre posthume de cette liste. Il s’agit de La mélancolie du voyeur, où l’auteur, déjà cloué à ce lit d’hôpital sur lequel il attend la mort, évoque ses souvenirs en tant que journaliste, les luttes politiques auxquelles il a participé, puis se rappelle son enfance, ses expériences sexuelles... en ne laissant qu’entrevoir son homosexualité, qu'il a, par ailleurs, toujours cachée ou, du moins, voilée. Il s’interroge sur les grandes questions : Dieu, le sexe, la politique... Finalement, il arrive à la conclusion que rien de tout ça l’intéresse et que seule la Beauté compte.
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Avec des tas de points en commun avec le précédent, Hervé Guibert,  journaliste, homosexuel et également victime du sida, il va lui aussi écrire un livre autobiographique « dur ». Bien plus dur que La mélancolie du voyeur , qui est en définitive le livre d’un moribond, Mes parents est écrit, alors que ses parents sont encore en vie, pour décrire avec acharnement à quel point il déteste ses géniteurs et,  tout spécialement, sa mère. La philosophie du texte tend vers une sorte de « J’irai cracher sur vos tombes » et l’auteur ne se prive pas de dire les pires abominations contre ses parents. La dédicace du livre est : « À personne » ! Hervé Guibert est mort à l’âge de 36 ans après une tentative de suicide plus ou moins ratée: il ne survit que 14 jours.
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Que dire de Jorge Semprún, le plus français des écrivains espagnols (ou à l’inverse si vous préférez !) récemment décédé et qui représente tellement de choses pour la culture des deux pays ! Si vous regardez attentivement l’image du haut de page vous verrez que le drapeau que je lui ai attribué n’est pas le drapeau du Royaume d’Espagne, ce qui aurait été l’équivalent de l’insulter, mais celui sous lequel il est inhumé : le drapeau de la République espagnole qu’il a toujours défendu. En 1986 il avait publié La montagne blanche, récit de la rencontre de trois hommes dans la campagne normande pendant un week-end pour partager dans une réflexion en commun les expériences vécues au fil du temps.
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Qui se souvient des hommes... est une épopée du peuple Alakaluf ou Kawésqar, le peuple indien de la Terre de Feu au sud du Chili. Jean Raspail nous dresse un magnifique portrait de ce peuple à travers 10000 ans d’histoire. Jean Raspail est écrivain, journaliste et aussi diplomate (consul général de Patagonie, région qu’il connaît donc très bien). En outre, il a été toute sa vie un grand voyageur-explorateur et ses livres sont beaucoup de fois les cahiers de bord tenus tout au long de ses voyages. Qui se souvient des hommes...a gagné le Prix Chateaubriand la même année et le Prix du Livre Inter l’année suivante (1987).
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Nous arrivons à présent au gagnant du Prix Renaudot : Station balnéaire* de Christian Giudicelli. Une galerie de personnages -et des relations qu'ils entretiennent entre eux- plus ou moins sordides. Encore une fois, il n’y a rien sur ce roman à la Wikipédia (pas la peine de cliquer sur le lien), on n’y trouve que l’éditeur, la date de publication et l’ISBN. J’ai quand même trouvé un résumé critique assez acide (voir la conclusion) sur ce blog. Giudicelli, quant à lui, est devenu en 1993 membre du jury du même prix qui lui avait été décerné pour son roman.
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Et le tour du Goncourt : Le prix est obtenu par Michel Host pour son œuvre Valet de nuit *. Un roman qui symbolise la quête de la figure d’un père absent et, par conséquent, idéalisé. Le protagoniste, Philippe Archer, la quarantaine, cohabite avec sa mère, tous les deux dans le huis clos d’un appartement parisien en ayant ce lien commun du père/mari disparu pendant la guerre. Mais comme disait si bien Flaubert : « Il ne faut pas toucher aux idoles, la dorure en reste aux mains ! ».
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Seul représentant du genre de la science-fiction dans cette liste, Francis Berthelot obtient en 1987 le Prix Rosny aîné (prix qui récompense ce genre littéraire) pour son roman La Ville au fond de l’œil, description « d’un univers schizoïde vu de l’intérieur » selon ses propres mots. Bien qu’ayant publié également des ouvrages de « littérature générale » c’est surtout grâce à ces histoires fantastiques que Berthelot est connu. 
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Pierre-Jean Remy, de son vrai nom Jean-Pierre Angremy, a utilisé pendant sa carrière d’autres pseudonymes, même si la majorité de ses romans portent la signature Remy. Il était aussi diplomate et comme Troyat, académicien. Il a précisément été élu pour occuper le fauteuil 40, l’année 1988, deux ans après avoir publié Une ville immortelle *... qui obtient le Grand Prix du roman de l'Académie française. Son entrée dans l’Académie n’a donc rien de surprenant vu que celle-ci l’avait déjà récompensé avec le Prix de la Nouvelle (1984). Dans Une ville immortelle *, le narrateur, consul de France, nous plonge dans le labyrinthe d’une ville imaginaire  où sous une beauté apparente se cachent les crimes les plus atroces.
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« Peu après le cri, par cette porte que la femme regarde, celle des étages de l’hôtel, un jeune étranger vient d’entrer dans le hall. Un jeune étranger aux yeux bleus cheveux noirs.
Le jeune étranger rejoint la jeune femme. Comme elle, il est jeune. Il est grand comme elle, comme elle il est blanc. Il s’arrête. C’était elle qu’il avait perdue. La lumière réverbérée de la terrasse fait que ses yeux sont effrayants d’être bleus. Quand il s’approche d’elle, on s’aperçoit qu’il est plein de joie de l’avoir retrouvée, et dans le désespoir d’avoir encore à la perdre. Il a le teint blanc des amants. Les cheveux noirs. Il pleure. »
Voici un extrait de Les yeux bleus, cheveux noirs* (Les Éditions de Minuit) de la reine de cette liste : Marguerite Duras. Dans ce roman on y retrouve, une fois de plus, le style caractéristique (phrase courte et simple) et le leitmotiv des amants si cher à Duras. La même année 1986, Marguerite Duras publie dans Libération un texte qui explique la genèse de Les yeux bleus, cheveux noirs* : Il s’agit de La pute de la côte normande* (petit opuscule de 20 pages également publié chez Les Éditions de Minuit).
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